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INRP

Département Technologies Nouvelles et Éducation

IMAGE(S)

REPRÉSENTATION VISUO-SPATIALE DE L'INFORMATION

Enjeux didactiques en histoire




INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHE PÉDAGOGIQUE

Département Technologies Nouvelles et Éducation


Approches psychologique et sémiotique

Brigitte POIRIER

Approche didactique (histoire)

Jean-Marie BALDNER

Isabelle NGUYEN

Alain PONCHEL


Réalisation : Brigitte POIRIER,
Conseils techniques : Jean-Claude LE TOUZÉ



1 Introduire aux textes de référence concernant les «images» et les questions d'ordre cognitif et didactique qui lui sont liées.

Il ne s'agit pas d'un état des lieux exhaustif de la recherche dans le domaine, mais d'un parcours de lecture, guidé par les questions formulées dans l'équipe de recherche «Images et histoire», questions qui concernent les différents paramètres en jeu dans la réception, le traitement cognitif, les usages pédagogiques de l'information inscrite sous forme visuo-spatiale.

L'histoire est en effet l'une des disciplines où les «images», qu'elles aient le statut de source pour l'historien ou de médiation pour l'inscription et la transmission des savoirs, ont une place de plus en plus importante.

Construit autour de nombreuses citations et renvois bibliographiques, le propos se veut avant tout une incitation à une lecture approfondie des auteurs cités.

• Sémiototique visuelle

• Psychologie

• Image(s) et histoire

Ouvrir une interface entre la pratique pédagogique en histoire d'une part, et les modèles théoriques en psychologie et en sémiotique d'autre part.


Il s'agit de mettre en ligne des données qui seront progressivement développées et enrichies :

• élargissement de la sélection des «images» étudiées,

• approfondissement des questions liées à l'articulation entre les « images » et le langage verbal dans les multimédias,

• exemples d'exercices scolaires liés aux « images »,

• présentation de travaux de recherche en relation avec les représentations visuo-spatiales


• Sélection de cartes, photos, schémas, graphiques (présentation et analyse)

• Exercices scolaires

• Expérimentation, recherche



Plan général




Image, une notion à revisiter étymologie, définitions


« Au sujet de l'image, le su et l'insu peuvent vouloir dire plusieurs choses : soit désigner ce que l'on sait de la nature de l'image elle même - et ce qu'on en ignore -, soit ce que l'image nous fait savoir face à ce qu'elle engendre en ses effets d'erreur, d'errance, d'illusion, voire de méconnaissance, soit enfin ce qu'elle s'applique à nous faire croire - et même plus à nous faire ignorer. L'image est-elle, pour un regard, la fenêtre du savoir ou bien son angle mort ? Ou bien, inversement, ce qui se donne au savoir ne tient-il sa vie que de cette collaboration à la fois illuminante et douteuse avec les imageries ? La vie recelée dans l'angle mort du savoir gît-elle, surgit-elle dans l'image ? »

M.-J. Mondzain, 1995, p. 9


Contrairement à la langue anglaise qui différencie l'image matérielle picture de l'image mentale image, la langue française ne dispose que d'un seul mot pour désigner l'une et l'autre.

Si l'on se réfère au fondement étymologique du latin imago, l'acception originaire du mot image vise le trait de ressemblance qui marque une représentation et la relie à son modèle (imago a la même racine qu'imitor) . L'insuffisance de ces racines est à la fois masquée et trahie par l'opposition introduite par les psychologues du début du XXe siècle entre imagination reproductrice et imagination créatrice, la seconde recouvrant ce que nous entendons par imaginaire loin d'impliquer la copie d'un modèle, exclut au contraire le déjà-vu et introduit des connections sémantiques qui « s'étendent de la sphère de la fiction res fictae à celles des prodiges portenta» . P. Kauffman, 1997, p. 312

Qu'il s'agisse de l'image objet matériel ou de l'image représentation psychique, de l'analogon d'un fragment de la réalité ou d'une production de l'activité créatrice ou fantasmatique,  chacune de ces catégories renvoie à un réseau de significations complexe et mouvant. De façon paradoxale,  à cette prolifération sémantique s'oppose l'apparente évidence et immédiateté du visuel.

Certains concepts proches dont l'emploi est censé éviter les ambiguïtés liées à la notion d'image, sont souvent la source de nouvelles confusions : ainsi les significations de termes tels qu'icône (ou icone), figure et forme varient considérablement en fonction de l'époque et du contexte.


Image versus icône

L'acception originaire du mot image du latin imago qui a la même racine que le verbe imitor vise le trait de ressemblance qui marque une représentation et la relie à son modèle. « La tradition occidentale définit [ainsi] l'image dans les termes d'une relation problématique : l'imitation, en effet, suscite des interrogations d'autant plus complexes qu'elles concernent le statut du modèle peut-être bien davantage encore que celui de l'image ». Dans la conception platonicienne, la nature même de l'image la maintient à une distance infranchissable de l'original, distance responsable « des dégradations successives de la forme idéale dans ses imitations fallacieuses » et de la condamnation des arts de l'image. Cf. article « image » in Encyclopædia Universalis 1999

La pensée chrétienne modifie radicalement le statut de l'image et l'inscrit dans le champ du sacré : « L'origine de l'image est divine, parce que l'image originaire est divine. Image invisible, mais image suprême, modèle de toute image. L'image est au commencement, car au commencement était le verbe et le verbe est image de Dieu ». Le verbe est image du père, « le Fils et le Père ont de toute éternité une relation naturelle et réelle où se définit l'idée d'image naturelle. » M.-J. Mondzain, 1995, p. 103-104 L'image n'a pas ici fonction de signe référentiel, si le fils est l'image du père, ce n'est pas dans le sens de la relation de la copie à son modèle, l'écart entre tout modèle et sa représentation dans un signe ne la concerne pas. Le verbe est image du père dans le sens où il procède du père, par son incarnation il révèle la présence de l'invisible modèle « qui m'a vu a vu le père » (Jean , XIV, 9). Cf. article « icône » in Encyclopædia Universalis 1999

Le terme « icône », du grec eikwn qui signifie image ou ressemblance est retenu par la tradition byzantine pour désigner l'image artificielle des « images naturelles » que sont le christ, la vierge et les saints. L'icône n'est pas copie mais symbole, transfiguration de la relation entre Dieu et le verbe, entre Dieu et ceux qui sont « à son image » et non l'imitation d'un modèle. Ces icônes se multiplient aux VIe et VIIe siècles. À Byzance, aux VIIIe et IXe siècle, les empereurs iconoclastes vont s'élever contre le culte excessif dont elles sont l'objet et ordonner leur destruction et leur interdiction. Leurs raison sont politiques et sociales autant que religieuses, mais ainsi que le souligne M. Mondzain, l'accusation d'idolâtrie portée contre le culte de l'icône privilégient la fonction de signe des images religieuses, c'est-à-dire de représentations donnant l'illusion de la présence au dépens de leur fonction de symbole de l'invisible.

« Tandis que l'icône s'efface pour révéler la présence du modèle divin, l'image, en revanche, témoigne tout autant de la présence et de l'absence de l'original. » Cf. article « image » in Encyclopædia Universalis

Actuellement, on utilise couramment le terme icône ou (icone) pour désigner toute représentation concrète figurative (image objet), son emploi en informatique (icones des écrans d'ordinateur), les usages de l'adjectif iconique (par exemple dans l'expression signe iconique) relèvent de ce sens élargi qui prend en compte le critère ressemblance délesté de toute signification religieuse.

Image versus figure

Le terme figure « déploie ses infinies variations dans le langage courant, celui de la rhétorique, de la danse, des mathématiques, des arts plastiques et de l'esthétique. » F. Aubral, 1999, p. 198

En latin figura partage la racine (fig-) avec les mots fingere (modeler), fictor (modeleur, sculpteur), figulus (potier). Apparenté à l'idée d'un faire manuel, le mot implique l'idée d'une forme mais en tant que trace inscrite dans la matière. « Un des axes constants et structurateur de l'évolution sémantique du mot réside évidemment dans le rapport subtil et variable qu'entretiennent, au fil des textes et du temps, les termes de Forme (Forma) et de Figure (figura).» Ph. Dubois, 1999, p.14

Ph. Dubois, remontant textes latins, montre que le champ sémantique du terme figura se structureen trois directions : le domaine de l'art , le domaine du corps et celui du langage. Quel que soit le domaine concerné le terme figura est porteur de traits doubles et paradoxaux induisant donc une structure conceptuelle de type dialectique. Quatre paradoxes dialectisent la notion de Figura et tendent les significations de la notion de figura entre

   -  la trace matérielle et l'image ressemblante, l'empreinte physique et l'idée mimétique ;
   - l'idée de mouvance, de variation infinie, de forme dynamique et l'idée opposée d'essence inaltérable, 
   - un principe d'invention, de nouveauté et un principe de copie, d'imitation servile ;
   - la valeur de (faux) semblant, de leurre, d'illusion et le principe de vérité, de modèle ou d'archétype. 

L'usage contemporain du terme figure et celui des mots qui en sont dérivés figuré,figuratif, figural, figuration restent porteurs des mêmes tensions. La notion figure géométrique peut renvoyer soit à un concept : le cercle, le triangle par exemple, soit sa concrétisation sous une forme particulière : le tracé d'un cercle, d'un triangle. Le terme se rapproche de la notion d'empreinte si l'on y voit la manifestation visible extérieure d'un corps (au sens de visage par exemple), alors que dans l'expression figure humaine il devient synonyme d'icône(image ressemblante) ou d'archétype (modèle idéal).La figure de style est une forme de l'expression destinée soit à donner plus de force à un énoncé verbal ou plastique (répétition par exemple), soit à en changer le sens (métaphore, litote…). En forgeant le concept de figural, le philosophe J.-F. Lyotard convoque les pôles dynamiques et créatifs présents dans la notion de figura « Le figural […] produit la définition paradoxale d'une figure-défigurante et défigurée : pour autant que ce qu'elle donne à voir n'est pas le produit fini d'un processus de mise en forme […], mais l'espace ouvert au processus en œuvre, à sa dynamique et à son devenir. » O. Scheffer, 1999, p. 919


Image versus forme


L'usage courant du terme renvoie à la figure constituée par les contours d'un objet. Au sens philosophique la notion forme est opposée à celle de matière. Si l'on se réfère à la Gestalt-théorie , et s'agissant d'un forme visuelle donnée dans l'espace extérieur, elle en occupe une certaine portion, un « corps spatial » limité par un bord, et qui « doit l'être d'un façon telle que l'extension ainsi qualifiée manifeste une certaine saillance phénoménologique permettant à la forme d'être appréhendée et saisie perceptivement ». J. Petitot, 1999 Pour la Gestalt-theorie, en effet, tout champ perceptif se différencie en un fond et en une forme dont l'ensemble détermine les caractéristiques phénoménales des parties et réciproquement.

Selon que l'on privilégie l'une ou l'autre de ces trois acceptions, le rapport entre les deux notions d'image et de forme diffère. Dans le sens courant la forme renvoie à ce qui, du modèle sera reproduit dans l'image figurative et permettra de le reconnaître . Au sens philosophique du terme, la forme indissociable de la matière apparaît comme constitutive de l'image, c'est à cette acception que renvoie à son usage en sémiotique lorsque l'on parle de forme de l'expression ou de forme du contenu l'une et l'autre étant respectivement inséparable d'une substance de l'expression et d'une substance du contenu. Enfin, la peinture non figurative en témoigne, points, lignes, surfaces et couleurs organisés en espace pictural « font image » et ce, indépendamment de toute référence à un modèle, la perception de cette image mobilisant tous les jeux

   - entre le fond et la figure (ou forme) qui s'en détache (Gestalt-théorie),
   - entre les différents constituants du signe plastique formalisés par les sémioticiens. 

Image numérique, image virtuelle


L'image numérique, sous ses deux modes, traitement numérique d'images existantes et des spectacles naturels ou image de synthèse intégralement calculée, implique l'intervention de capteurs qui « saisissent des données et non de la forme, celle-ci ne pouvant exister que sous l'autorité d'algorithmes de saisie et de traitement. » Savoir si l'image, matrice composée de valeurs numériques déterminant tous ses aspects (spatialité, couleur, texture, dynamiques…), mérite le nom d'image tant qu'un écran terminal ne lui procure pas une visibilité importe moins que de comprendre que ce qui est introduit par le numérique c'est « l'émergence d'un nouveau modèle, anoptique, cérébral de l'image ». Le choix épistémologique de la « pensée digitale » qui consiste à explorer le « clavier du sensible » à partir de la double alliance nombre/image, Nombre/Sensible est paradoxal ; s'y joue « la construction d'une autre image, modulaire, figurale (pas nécessairement figurative) opératoire et automatique de la pensée. » Cf. A. Renaud, 1998, pp. 18-36


Nous terminerons en rappellant que les termes d'image, de figure, de forme ont en commun de ne pas renvoyer de façon univoque à la perception visuelle : on peut parler d'image sonore, de figure de style, de forme verbale, etc. . Par ailleurs, si l'on circonscrit la réflexion au visuel, on se trouve confronté à son intrication intime, inéluctable avec la spatialité. Par souci de précision, et dans le sillage de nombreux chercheurs, nous prenons donc le parti de parler en terme d'inscription visuo-spatiale (image objet) et de représentation visuo-spatiale (image perceptive et image mentale) plutôt qu'en terme d'image. Lorsque, pour alléger le propos, nous utiliserons le mot image ce sera en le plaçant entre guillemets afin d'en rappeler la polysémie.



Approche sémiotique


• Retour au sommaire de l'approche sémiotique Une sémiotique particulière : la sémiotique visuelle

   •   De l'image à l'énoncé icono-plastique
   •   Le signe iconique
   •   Le signe plastique
   •   Rhétorique visuelle 

• Définitions


Une sémiotique est dite particulière lorsque l'objet sur lequel porte la recherche est une catégorie de signes précise.

Parler en termes de sémiotique visuelle c'est privilégier le canal physique, la modalité sensorielle que mobilise en premier la réception de l'information. Ce choix peut être contesté : il pourrait conduire, par exemple, à dissocier le langage oral (canal auditif) et le langage écrit (canal visuel) alors que l'unité du système linguistique ne saurait être contestée. Greimas et Courtès, notamment, condamnent cette approche qui considère en premier la substance de l'expression alors que, pour eux, c'est la forme de l'expression qui seule devrait être retenue. Le groupe m, adopte une position moins tranchée : les auteurs de ce groupe, tout en réaffirmant la prévalence de la forme, soutiennent « que la prise en compte de la matière est indispensable dans la première description de tout système. Cette matière doit en effet, pour devenir substance sémiotique, être perçue, et donc passer par un canal. Or, des contraintes de toutes sorte — physique aussi bien que physiologiques — pèsent sur ce canal et interviennent dans la sélection des éléments de la matière qui vont être rendus pertinents. Ainsi, une partie importante de la tradition linguistique inclut le caractère vocal dans la description de la langue. N'est-ce pas, en effet, ce phénomène qui impose au signifiant linguistique son caractère linéaire, dont l'importance est capitale. » Groupe m, 1992, p. 59

Mais si la linéarité du langage verbal, assujettie aux contraintes temporelles de la perception auditive, relève désormais du postulat en linguistique, il n'en est pas de même des caractéristiques sémiotiques qui sont en rapport direct avec les particularités du canal visuel :

   -Puissance :  La vision permet d'acheminer sept fois plus d'informations que l'audition, de ce fait, il incombe au système rétine/cortex un énorme travail de simplification, de réduction, de transformation avant que l'information ne parvienne à la conscience. La psychologie de la forme l'a mis en évidence, le système rétinexn'enregistre pas point par point et passivement les stimuli qui l'excitent : dès le niveau rétinien et jusqu'aux système nerveux central, se déploie une activité intégratrive opérant par dégagement des similitudes et des différences. Ce travail sur la perception brute des stimuli visuels aboutit  « à l'élaboration de constructs paraissant aller de soi (comme la ligne, la surface, le contour, la forme, le fond) ».  Cf. Groupe m, 1992, p. 62,63
   - Seuils de l'excitabilité et sélectivité : Les seuils d'intensité minimum et maximum , le seuil temporel minimum, contraignent de façon quantitative, l'ensemble du plan de l'expression . Par ailleurs, les organes de réception visuelle sont sensibles à une bande de stimuli qui ne représente qu'un peu plus d'un dixième du spectre correspondant aux ondes connues donc à la perception des couleurs : on sait que l'espèce humaine, comme toutes les espèces animales, habite un univers coloré qu'elle ne partage avec aucune autre. 

Ces données qualitatives et quantitatives constituent des contraintes déterminantes pour les trois composantes du signe plastique, la couleur (chromèmes), la forme, (formèmes), la texture (texturèmes).

De l'image à l'énoncé icono-plastique Groupe m

Le champ sémantique du terme image est particulièrement étendu. Ce point étant développé dans l'introduction, nous ne nous arrêterons ici que sur deux traits que l'usage courant associe généralement à ce terme : l'iconicité (ressemblance entre le représentant et le représenté), la nature visuelle du signifiant. L'amalgame fréquent de ces deux caractéristiques est source de confusion. D'une part l'iconicité n'est pas limitée au visuel , il existe des images sonores, kinesthésiques, olfactives, etc., d'autre part le terme d'image sert également pour désigner la représentation visuelle de données abstraites pour lesquelles la notion de ressemblance n'est pas pertinente : ainsi, dans le domaine scolaire on classera parmi les « images » des schémas et des diagrammes qui ne ressemblent à aucun objet de la réalité extérieure, mais qui sont porteurs d'une information visuelle non traduisible dans le langage verbal. La notion d'énoncé icono-plastique empruntée au modèle sémiotique proposé par le Groupe m permet d’éviter les ambigu•tés liées aux imprécisions du langage courant. Les citations auxquelles nous avons eu recours pour cette présentation sont toutes extraites du Traité du signe visuel (paru en 1992), afin de simplifier la lecture, elles sont suivies de l'abréviation TSV et de la page.

Distinction entre unité et énoncé

Il s'agit là d'un thème majeur de toute sémiotique et qui s'avère crucial lorsqu'il s'agit de la sémiotique visuelle. « C'est que dans le domaine visuel, on ne reçoit même pas le secours d'une opposition intuitive entre unité et énoncé. » TSV, p. 56

Exemple :

Doit-on considérer que cette comporte deux grandes unités : le continent et la mer dont les détails 1 et 2 seraient des composants parmi de nombreux autres ? Ou bien chacun de ces détails est-il une unité participant d'un énoncé visuel complexe, et comprenant elle-même plusieurs composants ?


détail 1 détail 2

Le Groupe m mettant en question la bipartition des unités et des énoncés, fait intervenir le niveau d'analyse « tel fait visuel peut être tantôt tenu pour une unité, tantôt pour un énoncé, sans que la raison de cette identification puisse être assignée à sa nature physique ».

La double nature du signe visuel

La sémiologie de l'image, comme les approches esthétique ou psychologique de cette dernière, a longtemps limité ses analyses, à ce qui relève de la ressemblance entre le représentant et le représenté ainsi qu’à ce qui peut y être traduit en langage verbal, nommé. Mais le caractère figuratif d'un signe visuel, ses liens avec le concept n'épuise pas son potentiel sémiotique, il existe des signes à la fois visuels et non iconiques, la peinture dite « abstraite » en témoigne. Pour le Groupe m, il existe deux types de signes visuels : les signes iconiques et les signes plastiques.

Le signe iconique

Au concept d'iconicité sont liés des problèmes d'ordre logique, épistémologique ou technique soulignés par de nombreux auteurs, notamment par Umberto Eco. Pour ce dernier l'iconisme semble « définir de nombreux phénomènes différents : depuis l'analogie des instruments de mesure ou des ordinateurs, jusqu'aux cas où la similarité est produite par des règles très sophistiquées qui doivent être apprises et au cas de l'image spéculaire » (cité in TSV, p. 125). En effet, si avec Ruesch et Kees on considère comme représentations iconiques « une série de symboles qui sont par leurs proportions et leurs relations similaires à la chose, à l'idée ou à l'événement qu'ils représentent » on peut ranger sous ce vocable des représentations hétérogènes sous de nombreux aspects. Pour exemple :

   - l'histogramme représentant la répartition des votes lors d'une élection,
   - le tableau en « trompe l'œil » d'un monument historique,
   - l'enregistrement vidéographique de l'intervention d'un homme politique dans un meeting,
   - une carte animée représentant les mouvements des armées dans un conflit. 

Pour chacun de ces types de représentations familières à l'historien, il existe bien une analogie entre le représentant et le représenté, mais pour en rendre compte on est amené à évoquer tantôt le mode de production de la représentation, tantôt certains mécanismes perceptifs, donc des phénomènes qui ne relèvent pas du champ sémiotique.

Le Groupe m propose un modèle du signe iconique qui vise à rendre compte des processus qui sont à la base de définitions trop na•ves du signe iconique et qui permet de décrire sa réception autant que sa production . TSV, pp.128 à 141. Pour les auteurs de ce groupe, l'une des faiblesses des définitions incriminées tient à la naïveté avec laquelle elles décrivent l'objet, c'est donc sur la notion même d'objet représenté que portera leur critique. « Le “objets” n'existent pas comme donnée empirique, mais comme êtres de raison : leur identification et leur stabilisation ne sont jamais que provisoires étant des découpages opérés hic et nunc dans une substance inanalysable sans ce découpage. S'il y a un référent au signe, ce référent n'est pas un objet de la réalité, mais toujours et d'emblée, un objet culturalisé ». La définition de cet objet culturalisé est elle-même complexe : ce dernier renvoie en effet à la fois à la classe ou la catégorie d'objet : le type, et à l'actualisation de la classe dans une situation de signification donnée : le référent. Le signe iconique peut être défini comme le produit d'une triple relation entre trois éléments : le signifiant iconique, le type, le référent.


   Relation signifiant<—> référent :Cet axe réunit deux termes ayant tous les deux des caractéristiques spatiales, donc commensurables.  « Les relations sur lesquelles se fondent cette commensurabilité, ou homologation, peuvent être appelées transformations». Les règles de transformation peuvent être appliquées soit pour « élaborer un signifiant sur la base de la perception  (concret et présent ou postulé) d'un référent », soit « pour postuler, sur la base des caractéristiques du signifiant, certaines caractéristiques du référent »,  cette reconstruction se faisant à partir des données fournies par le type. Ce sont ces transformations qui permettent de rendre compte de l'illusion référentielle.
    
   Relation référent <—> type :Le type est un modèle, « une classe de percepts groupés dans un mouvement qui néglige certains caractères jugés non pertinents », le processus de classement implique des opérations de stabilisation et d'abstraction : dans un sens (du référent au type) « les éléments pertinents extraits du contact avec le référent sont additionnés dans les paradigmes constituant le type, dans l'autre sens (type au référent) la relation devient  épreuve de conformité. »
    
   Relation signifiant <—> type : Dans le sens type ?> signifiant, il y a réalisation du type par une opération qui vise à sélectionner tel ou tel élément du paradigme du type. Dans le sens signifiant —> type il y a épreuve de reconnaissance, c’est-à-dire confrontation d'un « objet singulier » à un « modèle général ».
     


Les deux axes de la motivation

Ce modèle amène à revoir la notion de motivation. Il permet, en effet, de distinguer sa réalisation sur l'axe signifiant<-> référent et sur l'axe signifiant<-> type. « Par rapport au référent, un signifiant peut être dit motivé lorsqu'on peut lui appliquer des transformations permettant de restituer la structure du référent. Par rapport au type un signifiant a pu être dit conforme au type dont il autorise la reconnaissance » TSV,p.142. Cette nouvelle formulation de la motivation appelle plusieurs remarques. En ce qui concerne l'axe signifiant <-> référent, la similitude physique entre un stimulus visuel et un objet ne suffit pas pour que ce stimulus acquière statut de signe iconique (deux sœurs jumelles ne sont pas signes l'une de l'autre…), elle doit s'accompagner d'une opération sémiotique, d'une mise en relation avec le type.Pour ce qui a trait à l'axe signifiant <-> type, l'épreuve de conformité implique une confrontation à un ensemble de traits abstraits qui ne sont pas commensurables avec le signifiant visuel en ce sens la liaison entre le type et le signifiant est arbitraire. On peut déduire de ce qui précède que les deux axes de motivation sont non seulement solidaires mais également hiérarchisés : pour qu'il y ait signe iconique les transformations qui permettent de passer du référent au signifiant doivent préserver la cotypie.

Par ailleurs le même objet empirique peut recevoir tour à tour le statut de référent ou de signifiant un tableau, le signifiant d'un paysage, peut devenir le référent d'un autre tableau, « l'iconisme dépend de la connaissance des règles d'usage des objets, règles qui instituent certains de ces objets en signes ».

Exemple :Dans le détail 1, le référent sera un membre de la classe «corps humain», le type correspond l'intériorisation d'un modèle constitué d'un certains nombre de traits (une tête, un tronc, quatre membres…) dont la coprésence témoigne de la conformité avec le référent, le signifiant iconique qui correspond à une transformation du référent est l'ensemble de stimuli visuel structurés de telle façon que le récepteur les reconnaisse comme conformes au type.


Le signe plastique

Le signe plastique doit tout d'abord être différencié du simple stimulus visuel qui peut être décrit physiquement sans entraîner nécessairement un processus de signification. Le signe plastique, lui, est indissociable d'une fonction de renvoi à ce qui n'est pas lui, et il implique l'existence d'une articulation entre le plan de l'expression et le plan du contenu. Ce type de signe reste occulté par de nombreux discours sur l'image, et ce de deux façons : tantôt il est considéré comme signifiant du signe iconique, tantôt, ainsi que le développent certains théoriciens de l'art abstrait, il est perçu comme dépourvu de toute valeur et de toute signification.

Pour décrire le signe plastique revenons au modèle proposé par de Saussure , repris et complexifié par Hjelmslev


signifiant

forme de l'expression substance de l'expression signifié

forme du contenu substance du contenu


axe paradigmatique


signifiant signifié ou signifiant signifié ou signifiant signifié




et


signifiant signifié et signifiant signifié -

-

axe

syntagmatique


-





Sur le plan de l'expression plastique, on constate « que les unités simples n'existent jamais de façon isolées, en dehors de toute actualisation. Une /clarté/, une /rugosité/, une /ouverture/ ne sont telles qu'en fonction d'oppositions qui existent non seulement dans le paradigme, mais aussi dans le syntagme. » TSV,pp. 191 et sq. L'énoncé revêt de ce fait une fonction déterminante : il établit les systèmes par la réalisation du jeu des oppositions, « il inhibe ou excite l'identification de tel ou tel couple en puissance dans le système, il donne une place aux élément dans ces systèmes » . Sur le plan du contenu, on ne peut assigner une valeur à un élément qu'en tenant compte de sa place sur l'axe syntagmatique, donc en tant qu'intégré à un énoncé plastique.

« Un énoncé plastique peut être examiné au point de vue des formes, au point de vue des couleurs, au point de vue des textures, puis à celui de l'ensemble formé par les uns et les autres. Il faut en outre noter que ces données sont coprésentes, de sorte que l'image est d'emblée tabulaire. » TSV, p. 189

La forme

Sur le plan de l'expression, trois paramètres ou formèmessont nécessaires pour définir une forme :

   - La position, par définition, est relative soit par rapport au fond (rapport figure /fond), soit par rapport à un foyer (dessus/dessous, devant/derrière, etc.).
   - La dimension, également relative, renvoie aux oppositions petit/grand, long/court, large étroit, volumineux/menu, etc.
   - L'orientation se définit à partir des données positionnelles auxquelles on ajoute le trait de la direction : vers le haut/ vers le bas, centripète, centrifuge, etc. 


Sur le plan du contenu, le sémantisme de la forme appartient à un domaine qui n'est pas rigoureusement codifié. Il ne saurait déboucher sur un « inventaire exhaustif des contenus possibles des formes actualisées ». Il s'agit plutôt, partant de formes isolées et théoriques, de « recenser un ensemble de signifiés qui pourront être exaltés ou occultés par les contextes, et de toute manière largement biaisés par ceux-ci ». Cf. TSV,pp. 217 et sq.

   - Au formème position correspond un axe sémantique articulé suivant l'oppositioncentral/périphérique. À cette notion de centralité sont associés les oppositions attraction/répulsion, supérieur/inférieur, avant/après, ces deux dernières oppositions dépendant plus étroitement d'un sémantisme culturel que la première.
   - Au formème dimension, correspond l'opposition dominant/dominé.
   - Au formème orientation correspond aux oppositions équilibre /déséquilibre, potentialité de mouvement/stabilité, liées  aux phénomènes psycho-physiologiques déterminés en nous par la gravité. 

Mais une forme est plus que la somme de ses composants, son caractère intégrant est source d'un sémantisme spécifique : un triangle isocèle dont la pointe est en bas activera l'axe sémantique équilibre/déséquilibre. Par ailleurs chaque forme est investie par la culture de signifiés locaux ou universels, ainsi le cercle associé dans beaucoup de cultures à la notion de perfection sera lié dans un autre contexte à celui de fermeture.

Enfin, il existe « un sémantisme tertiaire » de la forme, ses deux sources sont le rapport que les formèmes des formes entretiennent entre eux et le rapport que les formes simples entretiennent entre elles (axe syntagmatique).

La couleur

« La couleur isolée est un modèle théorique. Elle n'a pas d'existence empirique si elle ne s'associe pas, au sein du signe plastique, à une forme et à une texture. » Mais,« même ainsi isolée par un geste théorique, la couleur n'est pas un objet simple. Elle se laisse articuler en trois composantes qu'il faudra distinguer tant dans l'étude du plan de l'expression que dans celle du plan du contenu. » TSV, p. 227 Ses composantes ou chromèmes sont les suivantes :

   - la dominance (ce que dans le langage commun on nomme teinte ou nuance),
   - la luminance ou brillance,
   - la saturation, 

Sur le plan de l'expression - La couleur a fait l'objet de nombreuses études relevant de la physique, de la physiologie ou de la technique, la tâche du sémioticien n'est pas d'en faire la synthèse mais de donner un aperçu, de clarifier les positions et de reformuler certains résultats obtenus à partir d'approches diverses en termes sémiotiques. Plusieurs préalables conditionnent la définition d'unités et l'établissement d'un système de la couleur :

   - tenir compte des trois composantes du signe coloré,
   - percevoir la couleur indépendament de son adhérence à un objet,
   - introduire la discontinuité dans un continuum (en tant que phénomènes physiques les chromèmes sont de nature continu). 

Sur plan du contenu - Les travaux et les données ayant traits aux signifiés de la couleur sont également nombreux. Les psychologues s'intéressent particulièrement aux associations suscitées par les couleurs (ainsi la couleur bleue foncée saturée est-elle associée au descripteur élégance, la couleur rouge, sombre et saturée au descripteur chaleur). Les anthropologues ont mené des études comparatives concernant le vocabulaire chromatique dans diverses langues et cultures faisant apparaître des invariants au milieu de nombreuses différences : « Si une langue ne possède que trois noms de couleurs, ce sera blanc, noir et rouge » TSV, pp.239,240.


    - Le chromème dominance (teinte, nuance) conditionne l'homologation de signifiés renvoyant à des oppositions conceptuelles « qui permettent une gradation infinie de degrés intermédiaires (par exemple chaud/froid et non pas permis/interdit ).
   - Au chromème saturation et à son axe désaturé/saturé il semble légitime d'associer l'opposition catatonique/tonique.
   -Au chronème luminance, l'intuition, mais également la tradition picturale invitent à retenir plusieurs couples de concepts : nocture/diurne, inquiétant/rassurant, mystérieux/intelligible.
     

Si l'on envisage l'axe syntagmatique, étudier le sémantisme de la couleur implique de revisiter les théories concernant l'harmonie des couleurs et les couples conceptuels qui les sous-tendent — consonance/ dissonance, tension/neutralisation, complémentarité /ressemblance — Ces théories convergent toutes sur la nécessité « de dégager les principes d'un ordre, de distinguer l'ordre du désordonné » TSV,p. 227


La texture

Sur plan de l'expression, on peut décrire la texture comme la microtopographie d'une surface structurée à partir de deux paramètres ou texturèmes :

   - La qualité des éléments : les éléments texturaux sont de dimension  assez réduite pour que « leur perception individuelle cesse à partir d'une certaine distance, et (soit) remplacée par une appréhension globale grâce à une opération d'intégration ».  TSV,p. 198  Cette dimension dépend naturellement de la distance de perception. Si la forme de l'élément textural ne doit pas être isolée comme telle, elle intervient cependant à un niveau de perception subliminale. Ainsi dans  la peinture impressionniste c'est la perception intégrative des taches colorées qui produit les effets de lumière propres à cette école.
   - La qualité de leur répétition : pour être intégres en une surface uniforme les éléments doivent être répétés selon une loi perceptible, le rythme. 

Sur le plan du contenu, il existe un signifié global du signe textural sous-tendu par une suggestion synesthésique et comportant trois traits  : la tridimentionnalité, la tactilo-motricité, l'expressivité.


La rhétorique visuelle


Définie comme « Art de l’éloquence, de la mise en œuvre des procédés stylistiques permettant l’expression » Encyclopédie Hachette, 99, la rhétorique est liée à la tradition gréco-romaine, intégrée dans l'enseignement officiel jusqu'au XIXe siècle, elle constitue une sorte de théorie du discours pré-scientifique. Ainsi envisagée comme art de persuader, la réthorique ne concerne que le langage verbal. Sous l'impulsion de la sémiotique son champ d'application a été étendu aux autres systèmes de signification. Ainsi, dans le cadre de l'élaboration d'une rhétorique fondamentale, le Groupe m la définie comme « transformation réglée d'un énoncé telle qu'au degré perçu d'un élément manifesté dans l'énoncé, le récepteur doive dialectiquement superposer un degré conçu. L'opération présente les phases suivantes : production d'un écart que l'on nomme allotopie, identification et réévaluation de l'écart. Ces opérations qui ne se font pas au hasard, mais suivent des lois très strictes » TSV,p. 256 L'écart s'évalue en fonction des règles qui sont à l'œuvre dans le type d'énoncé concerné. Nombre de chercheurs, dans le sillage de R. Barthes (1964), ont parlé de la rhétoriquede l'image ,mais en se limitant au signe iconique. De nouvelles pistes sont ouvertes par la mise en évidence de l'existence d'une rhétorique du signe plastique.


Rhétorique du signe iconique La rhétorique du signe iconique se subdivise en une « rhétorique de la reconnaissance » liée à l'axe signifiant < — > type et une « rhétorique transformative » liée à l'axe signifiant < — > référent

   - Rhétorique de la reconnaissance : « En première approximation, on pourra dire que toute manifestation référable à un type, mais non conforme à ce type sera rhétorique. » TSV,p. 293 Dans tous les cas, le contexte joue un rôle déterminant dans l'identification du type, le repérage de la déviance, l'appariement de ce type et de la signification « superposée ».
   - Rhéthorique transformative : On parlera de rhétorique transformative lorsqu'il y aura non-respect de  « l'exigence d'une application uniforme des transformations à tous les signifiants d'un même [énoncé] iconique » TSV,p. 256 


Rhétorique du signe plastique

Le sémantisme du plastique « provient toujours d'une démarche hic et nunc, produisant un sens à partir des relations entre les éléments d'un énoncé plutôt qu'à partir des éléments eux-mêmes, envisagés hors de tout énoncé …» TSV,p. 315 La norme par rapport à laquelle va se poser l'écart que constitue toute figure de rhétorique est donc à rechercher, au sein de l'énoncé, dans la redondance syntagmatique.

   - redondance relationnelle : dans le signe visuel le syntagme n'est pas linéaire comme dans le langage verbal mais radiant ;
   -redondance qualitative liée à la régularité du syntagme (régularité par alignement, dimensionnelle, par progression, par alternance). 

Les phénomènes de transgression peuvent concerner la couleur, la forme ou la texture.


Rhétorique icono-plastique

La relation dans un même énoncé entre signes iconiques et signes plastiques peut introduire soit un supplément d'ordre, soit un supplément de désordre, elle est, de ce fait, de nature rhétorique. « Le plastique en tant qu'il est phénoménologiquement le signifiant du signe iconique, permet l'identification de l'iconique. À son tour l'iconique, une fois identifié, permet d'attribuer un contenu aux éléments plastiques étrangers aux types iconiques. » TSV,p. 315

Les modalités de manifestation de l'invariant rhéthorique, telles qu'elles sont définies en linguistique ont leur équivalence en sémiotique visuelle :


 Mode ->

Domaine

    I
     V 	  	

In absentia conjoint

In præsentia conjoint

In absentia disjoint

In præsentia disjoint Linguistique

trope

mots valise

comparaisons, rimes

proverbes Visuel

iconique

trope iconique

interpénétrations iconiques

couplage iconique

tropes iconique projetés

plastique

trope plastique

interpénétrations plastiques

couplage plastique

tropes plastiques projetés

Tableau extrait de TSV,p. 272