Centizen For What?

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Nous avons eu hier à Montpellier la projection du film "Citizenfour", ce qui est sans doute un jeu de mots : « citizenfour » pour « citizen for », mais « for what ? ».

La discussion a été animée par deux journalistes qui ont fait esprit (élevé mais) de chapelle en se focalisant de manière intéressante pour leur suite sur leur ressenti de ce qui n’est en fait la nationalisation de l’industrialisation de leur profession (ils en ont oublié la privatisation, cf. in fine)

Le public en a soulevé plusieurs points à murrir (il y en a d'autres que j'oublie)

  • "Snowden a fait appel à des journalistes pour l’aider" -
    qu’il a su manipuler en distillant les informations – au passage où sont les fichiers Snowden pour être si bien protégés de la NSA ?
  • "Etrangeté américaine de donner un Oscar au film sur la trahison d’un potentiel condamnable à mort selon une loi de 1840 qui n’aurait servi que sept fois".
    Ma remarque que l’Oscar avait été payé par la NSA a fait rire, mais pas encore réfléchir.
  • "La seule réponse possible est la loi appliquée par les Juges sous le contrôle des élus ("les politiques")".
    Très exactement ce qu’Obama est en train d’accomplir par le passage de témoin du NTIA à la FCC, avec le corollaire que -- pour que cela marche -- l’on ait une colonisation mondiale américaine de la digitalité puisqu’il faut la même loi, les mêmes circuits de Justice, les mêmes forces d’application, la même soumission aux mêmes accords de commerce, etc. soutenus par la même religion (ce qui relie) et éthique citoyenne.
  • "Pauvre Snowden qui a du se réfugier dans un pays totalitaire et quitter le pays des droits de l'homme".
    En etes-vous sûr demande une dame au vu du film que nous avons vu, d'un honnêtte brave jeune homme pourchassé par le violeur mondial de la vie privée et terminant en paix dans sa cuisine avec sa compagne.



Snowden

Le personnage concerné et partiellement inconscient de Snowden est convaincant. Ce n’est pas un acteur. C’est un électron libre ou un manipulé, ce qui revient au même dans l’impact de ce qu’il provoque : il ne pense pas que tout cela peut s’arrêter dans la seconde par le tir d’un snipper ou d’un drone. Il en a la garantie culturelle par ce que c’est ainsi qu’il a été éduqué à son pays, ou la garantie morale inculquée par ce qui lui a été dit dans le contexte culturel de la NSA, malgré le quotidien qu'il en avait et qu'il dénonce d'un total irrespect de la loi qu’il dénonce.

En tant qu’ancien militaire, je connais très bien le problème éthique à laquelle il est confronté. De Gaulle a fait modifier la conception de la discipline, force des armées, en ce qui concerne l’obéissance qu’il n’avait pas respectée et qui avait été l’axe de défense des prévenus de Nuremberg. Le subordonné n’a pas à exécuter un ordre illégal. Ceci est un dilemme monumental car précisément nous sommes là dans le domaine de la souveraineté nationale, c'est-à-dire la capacité constitutionnelle à la violence faite à l’ordre matérialisé par la Loi internationale. Il appartient au subordonné de décider si par l’ordre qu’ils lui donnent ses supérieurs violent les ordres qu’ils ont eux-mêmes reçu ou que permet la Constitution au Chef de la Violence d'Etat pour la protection de ses concitoyens.

Ceci est d’ailleurs antérieurement illustré dans le film par les réponses faites (à mon souvenir) postérieurement par ces supérieurs.


Le film

A l’occasion de ce film bien monté d’une interview de huit jours, l’on se focalise sur les états d’âme (fondamentalement respectables, tout autant que ceux du personnel de Guantanamo, des banquiers français, etc.) d’Edward et des retombées sur Lindsay. Mais on oublie que ce qui est le déclencheur est le formidable basculement sociétal de la singularité techno-logique dans laquelle nous sommes embarqués, où nous avons à bâtir un nouveau rapport personnel à des choses qui nous semblaient stables comme la Réalité, le Droit, la Politique, l’Economie, la Personne par le fait que la Techne devient pour nous la possibilité de manipuler (Virtualité) et d’étendre (Digitalité) notre espace vital. Dans ce contexte notre « religion », c'est-à-dire l’environnement mental que nous nous sommes construit pour relier entre elles les prémisses de l’environnement réel, est à mettre à jour, avec l’aide de notre épistémè, notre capacité à comprendre le « pourquoi » à partir des progrès de notre science du « comment ».


Notre réponse

Il est certain que la réflexion de Stiegler sur les pharmakons (Snowden en est-il un? ) qui peuvent nous y aider est première (pour reconstruire il faut d’abord survivre) mais nous ne pourrons faire l’économie d’une révision architectonique (science de la réalité) qui conditionnera nos industries (notre facilitation du réel confrontée à ses nouvelles perspectives) et de nos architectures (les moyens de le faire).

Il n’en reste pas moins, que ce que joue assez finement Obama, il est d’ailleurs présenté dans le film, impliquant qu’Edward lui a coupé l’herbe sous le pied, c’est la transition d’une singularité ancienne (la singularité logique grecque) qui doit être pragmatiquement violée, vers la singularité nouvelle (l’adjonction de la technique à la logique pour pouvoir traiter de la complexité par une cérébrique qui dépasse la notre mais qui reste sous notre contrôle collectif [société] et individuel [personne]).

Le problème que ne résout toutefois pas Obama semble-t-il, est le rapport de cette singularité à l’aspect financier de l’économie : tout cela coûte cher et les commissions demandées par le monopole radical (cf. Ivan Illich) des industries, du crime et de la corruption en place sont trop élevés. La seule réponse que nous pouvons y apporter est l’esprit ouvert (sur l’avenir en ne fermant/figeant pas les normes) : celle du Libre. Mais un Libre qui prenne en main non seulement le local (machine, logiciel applicatif, OS, etc.) mais qui s’étende aux global par les Relationnels Libres (RelLib) et déverrouille l’emprise du NSA-compatible, hérité de la pensée UNIX, auquel je suis confronté depuis 1985 (ils m’en ont mis à la porte de mon job, et depuis je rôde autour pour savoir comment le reprendre :-) !!!).

Ce qui est en train de se passer est que l’expérience acquise à force de piéger la communication (les travaux de construction du centre de surveillance, la suite des travaux qu’introduit Binney) font que nous sommes passés à l’échelle de l’intellition que tous continuent à ignorer superbement bien que ce soit l’investissement principal actuel.

  • Claude Shannon nous a expliqué l’information (ce qui augmente la connaissance).
  • On a pris la part sur son transport pour en faire la base de la communication (ce qui étend le nombre de connaissants et augmente la concaténation de leurs connaissances – big data).
  • Mais personne n’a encore écrit une théorie de la communication dont l’épilogue serait l’intellition (ce qui permet de miner de l’information dans la connaissance réunie car elle "fait sens").
Le basculement des bases de données orientées graphe en est un exemple pratique actuel. Il s’agit du catenet sémantique : le réseau des réseaux de connaissance.

Snowden marque en fait l'entrée en force de l'intellition dans la réalité actuelle et non-plus virtuelle. J'ai tendance à comprendre la stratégie Obamesque comme celle de Chirac lors des derniers essais nucléaires dans le pacifique. Il nous fallait finaliser notre expérience pour pouvoir simuler et non-plus expérimenter. Pour la NSA les choses en sont de même : les systèmes informatiques et de communication (les logs du fichier racine, les écoutes téléphoniques, etc.) ne sont plus absolument nécessaires. Ils ont suffisament de données d'expérience (données sur l'utilisation des données) pour ne plus en avoir absolument besoin. De la même façon que notre cerveau utilise en fait très peu de données des sens sur notre environnement pour nous permettre d'imaginer la nature du contexte auquel nous croyons (et à d'autres de l'illusionner).


Amateurisme personnel, artisanat journalistique cherchent industriel

Nos journalistes en sont là. Leur intellition naturelle (fondée sur leur intelligence personnelle et de leurs collaborateurs

- leur permet de qualifier le nouveau maire de Montpellier de Divers-Droite [exemple pris des questions d’hier soir] et non de Divers Gauche comme il s’est fait élire), - mais ne leur permet pas d’aller plus loin faute de moyens. Comme les services secrets de Sa Majesté ont fait mieux que PRISM (qui en parle ?), les journalistes britanniques (BBC et Press Association) sont allés plus loin : avec par exemple la base de données ontotext GraphDB (http://www.ontotext.com/customers/).

Nous avons là simplement un déficit français typique : la référence n’est pas américaine mais en l’occurrence bulgare. Notre Dandyankisme parisien nous joue un autre tour :-) Les big-data ne sont pas une vue de l'esprit, mais des milliards de sources que certains analystes peuvent utiliser et d'autres pas.

La question est donc celle de la limite éthique entre le privé (ce que je veut garder secret) et le privatoire (ce qu'autrui peut s'estimer en droit de me priver). Les discussions actuelles de la loi chinoise à ce sujet et la réponse américaine est sans doute LE sujet que nous devrions suivre avec le plus d'attention si nous voulons tirer des enseignements de l'expérience.


Nous nous avons à aller plus loin.

Notre problème est celui du financement. C’est un problème du paradigme précédent qui était celui du syllogisme linéaire et donc hierarchique. Il faut au sommet un réservoir à billets.

L’apport du paradigme nouveau est celui du syllogisme maillé (qui réclame cette techno-logie que nos technocrates ont recherché dans l’organigramme et Louis Pouzin a trouvé dans le catenet : les chaînons manquant sont tout azimut). L'apport en argent peut être diffu et il peut être en nature - possiblement donné.

Nous avons pas déjà investi (nos ordinateurs, boxes, logiciels, abonnements FAI) : il faut donc que nous travaillions à ce que le tout de ce catenet (les ressources digitales mises en partage) soit supérieur à la somme de ses parties sous NSA compatibilité et son soutien par intérêt objectif du GAFA et du Département du Commerce ). Au passage : qui connait l'adversaire : http://www.export.gov/advocacy/ ???

Obtenir ce tout supérieur à la somme des composants réunis, cela a un nom simple : l’intelligence maillée du catenet.

Au boulot mental, donc, si l’on veut poursuivre la prise de risque somatique d’Edward et de Lindsay !

jfc